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Evénement exceptionnel

  • lucien renoir
  • 15 janv. 2024
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 janv. 2024

24 Juin 1788

Agression de 2 travailleurs par un animal féroce

Le sieur maire a dit que jeudi dernier 19 de ce mois, à peine étant jour, il lui fut dénoncé par le sieur Graille, fermier du domaine de M. de Riouffe, près la rivière de Siagne qu’une bête sauvage avait attaqué et grièvement blessé 2 hommes dans les champs dont l’un était le nommé Jean Mouis, son valet et l’autre un piémontais, faucheur, couché sur un tas de foin, ajoutant qu’il venait d’accompagner ce dernier à l’hôpital de ce lieu et que l’autre y serait bientôt transporté, ne pouvant y venir lui-même. Le sieur maire assembla d’abord le corps des chirurgiens qui vérifièrent et pansèrent les différentes blessures de ces hommes, sans s’apercevoir qu’il y eut rien de mortel, mais avec de forts soupçons de rage, ce qui fit prendre la précaution de les enfermer sous clef dans une chambre particulière. Cela fait le dit sieur exposant s’occupa d’assembler, à la sollicitude de M. Ardisson de Montfleury, juge qui se transporta conjointement avec le sieur maire à l’hôtel de ville, du monde à suffisance et capable qui put aller à la poursuite de la bête. On disposa par ce moyen 32 hommes armés et de bonne volonté ayant à leur tête la brigade de la maréchaussée et une partie de celle des employés, qui furent rangés en divisions. Il leur fut distribué de la poudre et des balles, et partirent en cet état. Le sieur Calvy, maire eut d’abord à s’apl… de cette précaution en ce que la terreur s’était emparée des esprits au point que les travailleurs du lieu et ceux du Cannet s’étaient abstenus d’aller aux champs malgré les besoins que présentait la moisson pressante. Sur l’après midi, enfin il se répandit un bruit, que nos chasseurs avaient terrassé l’animal et qu’on l’apportait à la barre. En effet, sur les trois heures après midi, l’animal fut apporté et livré en spectacle au peuple qui eut le plaisir de la voir porter en trophée. Tout le lieu fut dans des transports de joie. Le sieur maire crut qu’il était dans un moment si heureux de la justice de récompenser les restaurateurs de l’habitation et de tous les cantons. Il distribua conséquemment quelques louis dont un à 2 hommes de Mougins, armés chacun d’un fusil, et qui s’étaient trouvés dans cet armement et qui se trouvèrent fort contents de cette récompense sans avoir seulement l’idée de faire aucune réclamation de la bête morte. On pensa ensuite qu’il n’y avait rien de mieux qu’à la faire enterrer, ce qui s’effectua en pratiquant une fosse fort profonde au rivage de la mer . Cette dite bête crue jusqu’à ce moment loup et devenue hideuse et odieuse par les forts soupçons de rage, dont on se croyait presque certain, ce qui fixait encore plus l’attention du chirurgien à raison de leur traitement à faire vis à vis de leurs malades. Cependant, il se répandit le lendemain un bruit dans le public que la bête dont est question, n’était pas vraiment loup mais bien plutôt une hyène, d’après la description lue alors dans l’histoire naturelle de M. de Buffon. Cette découverte amena la tranquillité dans les esprits par les assurances, ou au moins par de grandes probabilités alléguées par les personnes de l’art que l’animal étant une hyène et non un loup, les craintes de la rage présumée se trouveraient beaucoup affaiblies. Le sieur Calvy se décida d’abord de faire faire des vérifications en inspectant cet animal avec plus d’attention. Il fut déterré, examiné de bien près et reconnu pour être une hyène relativement aux observations ci-dessus déduites. Ensuite elle fut écorchée avec les précautions cependant qui pouvaient en conserver et faire connaître la conformation. Sa peau à été desséchée, empaillée. On y a employé des aromates même pour plus grande sûreté de sa conservation. A cette époque, il se répandit hors du lieu que c’était toute autre bête qu’un loup, et ce fut ce qui attira le sieur Bérenger en ce lieu pour y réclamer l’animal, se fondant qu’il avait été tiré sur un fonds lui appartenant. Le refus que l’on crut devoir lui en faire, parut le fâcher. Il menaça et se flatta que la communauté de Grasse lui ferait justice. L’effet enfin a suivi depuis la menace. Les sieurs maire consuls viennent de recevoir de cette communauté 2 lettres, l’une d’avant hier, et l’autre de hier. Elles contiennent toutes les 2 des commandements express de remettre l’animal ou la peau. Le sieur maire trop fondé à croire qu’il ne pouvait rien prendre sur son compte depuis de quelque émotion populaire leur a répondu en absence de ses collègues qu’il croyait ne pouvoir se dispenser de référer à un conseil de ville ce dont il s’agissait, et c’est ce qui donne lieu au présent conseil auquel il est observé par le dit sieur maire que ni la communauté de Grasse, ni le sieur Bérenger ne paraissent aucunement fondés à réclamer la peau de la bête sauvage, devant se contenter de l’adresse que la communauté de Cannes avait eu de la terrasser pour leurs intérêts, et d’en rendre des actions de grâces au ciel. En un mot, c’est la communauté de Cannes qui a armé à ses frais beaucoup de monde, et fort à propos, c’est un habitant de Cannes, c’est le sieur Ferron, huissier royal, qui était à la tête de sa division qui a donné le premier coup fatal, à l’animal, et qui cria d’abord à sa suite qu’il venait de tirer et blesser une bête plus grosse qu’un renard. Il est aussi notoire que toute la troupe armée étant arrivée vers le bien fonds du dit sieur Bérenger, le dit animal, étant alors mort, on remarqua qu’il était blessé d’un coup de feu à l’épaule, ce qui ne pouvait qu’être que le coup de fusil du dit sieur Ferron, coup sans doute qui a permis d’assommer cette bête déjà vaincue, à coups de pierres sans avoir besoin d’armes à feu, ce qui est un fait certain, après avoir encore blessé comme on le dit un jeune enfant et un ouvrier du sieur Bérenger, portés à l’hôpital de Grasse, sur lesquels cet animal souffrant jeta son dernier feu féroce et carnassier. Cette blessure faite par le sieur Ferron après un degré de certitude depuis lors qui ne peut être révoqué en doute, la marque de la balle a mieux paru encore après que la bête a été écorchée. Enfin c’est Cannes qui a reçu le premier dommage de la bête féroce dans la personne de ses 2 ouvriers, c’est Cannes qui a armé et fait poursuivre cet animal, et c’est Cannes qui a donné lieu à sa destruction et qui mérite pour toute récompense la peau de cet animal pour être placé dans l’hôtel de ville et y servir de monument du zèle patriotique et social et de titre pour solliciter le gouvernement et la province d’accorder en indemnité une somme répartie sur les 4 blessés ou à leurs familles dont 2 dans le territoire de Cannes, et 2 à celui de Mougins et à l’auteur de la mort de cette bête meurtrière. Enfin les sieurs maire consuls pensent qu’il leur paraît de justice de faire mettre sous les yeux de 2 avocats les deux lettres de MM. les maire consuls de Grasse pour savoir s’ils ont autant de droit qu’ils s’en attribuent dans icelles et qu’au cas que cette communauté insiste sur ses prétentions de la peau de cette hyène, ils sont dans le sentiment de soutenir les droits de la communauté jusqu’à arrêt définitif, requérant finalement l’approbation du présent conseil à raison de la dépense de 145 livres à laquelle cet événement a donné lieu fidèlement détaillée dans l’état dont il va être fait lecture.


Lecture faite au conseil de la proposition, des 2 lettres de MM. les maire consuls de Grasse, y référées et de l’état de dépense porté à 145 livres, les sieurs assemblés ont unanimement délibéré de retenir et garder dans l’hôtel de ville la peau de l’hyène en question, de solliciter au nom de la communauté, le gouvernement et la province d’accorder une indemnité aux 4 blessés et à leur famille, priant MM. les maire consuls de faire consulter par tels avocats qu’ils trouveront bon sur le parti que la communauté a à prendre touchant le contenu des 2 lettres écrites par MM. les maire consuls de Grasse et les termes peu réfléchis dont elles sont remplies, et ainsi que sur la conduite que la dite communauté a à tenir, si elle vient à être attaquée pour la restitution de la peau dont s’agit, et la dite consultation être rapportée à un prochain conseil pour y être délibéré ce qu’il appartiendra, approuvant le conseil la dépense de la dite consultation, ainsi que celle de 145 livres qui est l’objet de la dépense de la chasse de la dite bête, et dont les sieurs proposants demanderont l’autorisation de Mgr. l’intendant avant d’en expédier mandat de remboursement sur le trésorier de la communauté.

 
 
 

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