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1720 - La peste en Provence
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Contagion introduite par un bateau de commerce à Marseille

Dernière grande épidémie de peste en France, la maladie fut introduite par le port de Marseille, le 25 mai 1720.
Un navire, en provenance du Levant, "Le Grand Saint Antoine", transportait une cargaison de textiles pour des négociants marseillais. Au cours du voyage, 8 personnes avaient trouvé la mort à bord. Le capitaine Chataud en fit la déclaration, comme il se doit, à la consigne sanitaire, et les marchandises furent soumises à 50 jours de quarantaine et le bateau 40. Malheureusement, Marseille était en pleine crise économique et la foire de Beaucaire était proche. La plus grande partie du chargement appartenait à M. Estelle, échevin de la ville de Marseille. Le 29 mai, les intérêts de celui-ci et sa persuasion firent commettre aux autorités l'irréparable. Notre armateur obtint une réduction de la quarantaine à 28 jours. Les marchandises qui étaient le plus susceptibles de répandre la maladie, comme la laine et le coton, furent exposées pendant cette durée au soleil à l'île de la Jarre. Ce délai passé, toutes les marchandises furent débarquées aux infirmeries. Le 3 juin l'autorisation de faire livrer aux tailleurs les ballots d'étoffes fut donnée. Le 20 juin, la mort d'une première victime, une couturière, suivie d'autres décès, resta inaperçue car, pour ne pas affoler la population et ne pas entraver le commerce, les consuls se turent. Ce ne fut que 67 jours après l'arrivée du navire que les autorités avouèrent la vérité. Au cours des mois dramatiques qui suivirent, Marseille et sa banlieue perdirent près de 50 000 habitants sur les 80 000 estimés.

Avignon et le Comtat venaissin

Qu'en fût-il d'Avignon et du Comtat Venaissin ? Le vice-légat du pape, Rainier d'Elci hésita à interrompre le commerce avec les régions avoisinantes. Il le fit seulement avec Marseille, et accepta néanmoins, le 4 septembre, le cordon sanitaire, composé de volontaires, le long de la Durance, moitié gardé par l'état papal, moitié par le Comtat. Le 25 septembre, la peste se déclara à Apt. Une seconde ligne sanitaire, installée de la Durance au mont Ventoux, isola Apt et sa région. Cette fois, les hommes chargés de garder les barrières sont mobilisés par leur village, payés 1/3 par Avignon, 2/3 par le Comtat. On vérifie chaque passage, chaque cultivateur qui doit faire ses récoltes au delà de la barrière ; le laisser-passer doit porter le nom et le surnom, l'âge, la taille, et doit être visé à chaque entrée et chaque sortie. Ce billet devint, plus tard, payant car les usagers n'en prenant pas soin et l'égarant, finissait par coûter cher aux communautés. Bien qu'aucun cas de peste ne fut signalé, le Comtat fut proche de l'asphyxie. On rejeta la faute sur les Juifs et leur commerce. Le 6 janvier 1721, ils leur fut interdit de sortir des villes sans autorisation ; le 24 avril, certains furent mis en quarantaine et le 17 mai, le droit de commercer la laine du Levant leur fut retiré. Enfin, le 15 août, les Juifs revenant de Beaucaire furent mis en quarantaine. Le 14 février 1721, le lieutenant général du roi rencontra le vice-légat, le recteur du Comtat, Gasparini, l'archevêque d'Avignon, l'évêque et les consuls d'Avignon. Pour mieux assurer son territoire, le Comtat accepta de construire une muraille en pierres sèches, de Monieux à Cabrières en suivant le ligne de crête. Confié à un architecte de Carpentras Antoine d'Allemand, le mur était prévu d'une hauteur de 6 pieds (2m) et d'une largeur de 2 pieds. Pour le construire, on leva 500 hommes, volontaires ou tirés au sort, et qui devaient apporter leurs outils. Les travaux s'effectuèrent lentement, par absentéisme, mauvaise volonté ou incompétence. Au risque d'accroître la contamination, les ouvriers, eux mêmes, se livraient à la contrebande. Le mur terminé, Langedoc et Dauphiné, pensant être protégés ouvrirent leurs barrières. Mais fin août 1721, la peste atteignit Avignon et le Comtat. Les troupes royales remplacèrent les troupes pontificales. Complètement isolé de la France, le Comtat fut alors menacé de famine. Des révoltes éclatèrent en Avignon, où 1 400 ouvriers des manufactures de soie étaient au chômage, leurs usines ayant été fermées par le vice-légat. L'hôpital était sans chirurgien, sans médecin, sans apothicaire. On disait qu'il y avait des médecins qui se faisaient payer un louis d'or de 45 livres pour une saignée.

Bilan de la peste de 1720

Au 31 décembre 1721, on dénombrait 3 540 décès. Dans une vie sociale totalement bouleversée, régnait l'ère des soupçons, de la dénonciation. Chacun se barricadait. Les communautés élaboraient des mesures draconiennes : pas de fumier à moins de 500 m des maisons, celles-ci devaient être nettoyées un soir par semaine, on ne jetait plus rien par les fenêtres. Le courrier était désinfecté à l'aide d'une sorte de pincette à piquets perforants qu'on mettait au-dessus d'un brasier de soufre. Des brasiers flambaient à chaque carrefour ; les maisons des pestiférés étaient brûlées. Les cadavres étaient recouverts de chaux vive. On faisait partir des pétards pour purifier l'air et la communion se donnait à l'aide d'une cuillère. L'isolement des pestiférés dans des maisons sises hors des villages constituait la base de la prophylaxie. Quelques médicaments étaient quand même recommandés : camphre résiné, cordiaux, romarin, vinaigre. Nombre de charlatans faisaient fortune avec leurs pharmacopées. Mais toutes ces thérapeutiques échouaient, même le "vinaigre des 4 voleurs", utilisé lors de la peste de Toulouse en 1652 et qui figurera au Codex jusqu'au début de la seconde guerre mondiale : Avant de détrousser les cadavres, des voleurs s'enduisaient le corps de cette solution à base de vinaigre. Arrêtés puis condamnés à être brûlés, ils obtinrent une réduction du châtiment en' donnant la recette de leur composition. On représente toujours les médecins vêtus d'un curieux costume. Celui-ci fut inventé durant la peste de Paris en 1619 par Charles de Lorme, médecin de Louis XIII : une robe de cuir, efficace contre les puces qui fuient l'odeur de bêtes mortes et se sauvent dès qu'un cadavre (homme, rat ou animal a une température inférieure à 28°), un masque qui contient un filtre avec des aromates. Autres mesures de prophylaxie : les fagots de bois devaient être passés à l'eau froide avant d'être brûlé. Les aliments étaient vendus à l'aide d'un long bâton à croc ou d'un panier en jonc ; le chanvre était considéré comme dangereux. Le vin était livré au destinataire par un tuyau passant par la porte entre baillée. Bien sûr, chiens, chats, rats étaient abattus. Se purger de temps à autre était recommandé. Les maisons désinfectées par les "parfumeurs" étaient marquées d'une croix rouge, celles des malades d'une croix blanche. Le désinfectant se préparait avec 4 à 5 1 de foin sec accompagné de drogue, parfois les sucs s'égouttant: lentement d'un crapaud suspendu par les pattes au-dessus d'un foyer, le tout arrosé de vinaigre pour ralentir la combustion. Le médicament préventif était constitué de la chair d'une noix trempée le soir dans un demi litre de vinaigre et mangée le matin. De nombreux postes de maîtres et de députés de santé furent créés, et le bureau de santé devait "virilement" faire respecter les ordres, notamment la fermeture des portes et le filtrage des arrivants. Il était bien sûr interdit d'accepter les Juifs entrant au Comtat, même les médecins juifs qui voulaient venir exercer dans les localités infectées. Ceux qui désiraient fuir un lieu infecté étaient astreints à une quarantaine dans une grange à 1/4 de lieue des endroits sains. Ils pouvaient se promener dans une aire de 50 pas autour de la grange, mais le chemin papal leur était interdit. Les gardes les ravitaillaient en eau. La grange n'avait qu'une porte, et si un quarantenier mourrait dans une grange, la quarantaine recommençait. Tout ceci entraînait forcément des charges pour les communautés. Il fallait indemniser les commerçants qui ne pouvaient vendre à l'extérieur, payer les gardiens des portes, les soldats gardiens des murailles. Ces mesures draconiennes ont toutefois permis de minimiser les méfaits de la peste dans le Comtat. La population se tourna vers Dieu pour lui demander d'arrêter ces calamités. Processions, prières se multiplièrent. L'évêque accorda des indulgences. Tous les jours à 6h du soir en été et 5h en hiver, chacun devait se mettre à genoux et réciter le Pater et l'Avé. Chacun porta des reproductions bénies de Saint Cloud ; les riches en firent faire en or et Carpentras en exporta dans toute la région et même à Paris et Lyon. L'évêque fournit des confesseurs qui par les fenêtres exhortaient les populations à plus de piété. A partir de 1722, la peste s'éteignit progressivement. Peu à peu, l'étau se desserra mais les séquelles de ces années funestes se firent longtemps sentir. Ruine du commerce et de l'économie, endettement énorme des communautés, Accroissement des impositions. En corollaire, mariages et naissances se multiplièrent à la fin de l'épidémie, l'immigration cévenole et savoyarde aidant aussi à combler les vides.

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