1783 Délibérations de l’assemblée des communautés convoquées à Lambesc le 7 décembre



Dégradation des chemins par les voituriers - Règlement sur le roulage
Les Charretiers distribuaient sur leurs voiture à deux roues des poids énormes ; et les attelant de 4 colliers, ils rompaient et détruisaient les chemins. Plus d’une fois la province s’était élevée contre cet abus. Le 14 novembre 1724, elle avait obtenu une Déclaration qui fixait le nombre de chevaux ou mulets qui seraient attelées au charrettes. Elle permettait d’en employer 4 depuis le premier octobre jusqu’au premier avril, et 3 seulement depuis le premier avril jusqu’au premier octobre.
L’expérience apprit que la liberté d’atteler plus de 3 chevaux aux charrettes à 2 roues, surtout en hiver, était destructive des chemins. Le Pays sollicita en 1765 une nouvelle déclaration. Il fut défendu de mettre sur les charrettes à 2 roues plus de 3 colliers en toutes saisons de l’année. Une amende de 6 livres fut déclarée encourue pour chaque cheval ou mulet excédant le nombre de 3. Il pouvait même échoir confiscation, si le cas le requérait.
Cette loi, toute nécessaire qu’elle était, n’eut qu’une exécution très imparfaite, et tomba même bientôt en désuétude. Elle ne permettait qu’aux procureurs du pays, et à l’ingénieur en chef de faire saisir et arrêter les voitures. Si les consuls pouvaient dans chaque communauté faire dresser des procès-verbaux, ce que la déclaration n’exprimait pas, Il fallait assigner le voiturier par devant les juges de police, ou par devant les Trésoriers de France. Il fallait plaider : et cette forme trop compliquée, quoiqu’on eut cherché à la simplifier devait contribuer à l’inobservation de la loi.
Les abus augmentèrent par l’impunité, et, comme c’est l’usage, par les efforts inutilement faits pour les arrêter. Le Gouvernement s’aperçut qu’il était nécessaire de rendre une loi générale pour tout le Royaume ; qu’il fallait pourvoir dans toute son étendue à la conservation des routes sans gêner le commerce, et en contenant seulement l’avidité des routiers.
L'inobservation de la loi entraîne son remaniement avec de nouvelles dispositions
Les Provinces furent consultées sur un projet de règlement rapportée à l’Assemblée dernière. Il a été rédigé en Arrêt du Conseil le 20 avril 1783, et publié d’ordre de M. l’Intendant à qui l’exécution en a été commise.
Il devait être établi dans tous les lieux qui seraient désignés par les sieurs Intendants, des barrières et des commis, chargés d’arrêter et de saisir les chevaux et mulets en contravention.
M. l’intendant comprit tout de suite combien l’établissement de barrières et de commis, serait gênant et dispendieux ; que la loi serait bien mieux obéie si les voituriers pouvaient s’attendre à trouver à tout pas quelqu’un chargé de la maintenir, et de verbaliser. Par son ordonnance du 17 mai 1783, il commit à cet effet les Ingénieurs et sous-Ingénieurs du Pays, les Maires et consuls de Communautés, les Adjudicataires de l’entretien des chemins, les Officiers et Cavaliers de Maréchaussée. En pourvoyant d’une manière si sage et si simple à l’exécution de la loi, ce Magistrat n’a point oublié les droits de l’Administration. Toutes les lois précédentes ordonnaient que les procès verbaux seraient visés par MM. Les Procureurs du Pays. Nous devons être reconnaissants de ce qu’il a renouvelé cette disposition nécessairement omise dans un Arrêt rendu par tout le Royaume.
Il faut espérer que les contraventions à ce Règlement deviendront infiniment rares ; on se familiarisera peut-être avec les voitures à 4 roues qui ne sont pas autant incompatibles avec la nature de notre sol qu’on le croit par un faux préjugé. Si 4 roues forcent plus à tirer dans les montées, elles donnent plus de facilité dans les descentes ; et les voitures n’y écrasent pas les malheureux chevaux obligés, lorsqu’il n’y a que 2 roues, de soutenir et de porter.
Il est à souhaiter aussi que quelque Négociant soit par zèle pour le bien public, soit par une spéculation qu’il faudrait peut-être encourager, fasse l’expérience des large jantes. On se persuade d’abord qu’elles augmenteront beaucoup le frottement, et qu’elles ralentiront par conséquent le mouvement de la voiture. Mais on devrait voir que les larges jantes ne pouvant pas creuser les chemins, y rouleront plus facilement que des jantes étroites qui labourent et coupent, et qui par cette raison éprouvent une plus grande résistance.
Nous avions remarqué à Aix un abus auquel il était nécessaire d’apporter remède. Les Charretiers louaient au faubourg des mulets qu’on leur conduisait au pied de la montée d’Avignon. Là, ils les attelaient à leurs charrettes, et se procuraient ainsi un secours frauduleux. En usant de la même ressource aux environs de toutes le montées, ils se donnaient le moyen de charger leurs voitures à 3 colliers, autant que si elles étaient tirées par 4. Le but de la Loi, de diminuer les fardeaux qui pèsent sur les chemins, était éludé.
On a fait ailleurs la même observation. Le Gouvernement, sérieusement occupé de cet objet, a instruit M. L’Intendant que l’intention du Roi est qu’il soit défendu aux Aubergistes et à toutes autres personnes, de louer des bêtes de renfort aux Charretiers, pour franchir les côtes escarpées ou les pas difficiles . Dans ces cas, les Charretiers doivent s’aider entre eux. On espère avec raison, que dégoûtée d’un secours mutuel qui ralentira leur marche, ils se décideront à ne mettre sur leurs voitures que des poids proportionnés, ou qu’ils se détermineront à employer 4 roues, ou 2 roues à large jantes.
M. l’Intendant a rendu une troisième ordonnance, qui prononce la confiscation des bêtes de trait surnuméraires attelées à une charrette dans les montées ou dans les pas difficiles, s’il n’y a au haut ou au bas de la montée, une autre charrette à laquelle il manquera le nombre de colliers qui seront de trop sur la première.
Pour éviter les retards procédant des saisies, les Charretiers seront libres de continuer leur routes, en configurant l’amende entre les mains de ceux qui dresseront les procès-verbaux : ceux-ci leur en donneront quittance ; et cette quittance servira de passeport jusqu’au lieu de la destination de la charrette.
Dans les cas de saisie, le voiturier pourra également continuer sa route, en abandonnant la bête surnuméraire et saisie.
M. l’Intendant a profité de cette circonstance pour enjoindre aux Charretiers de faire peindre leurs noms en caractères gros, lisibles et noirs, au lieu, comme la plupart ont fait, de les faire piquer sur une plaque de fer blanc, où ils ne sont lisibles que de très près, et en se mettant presque sous la roue de la charrette.
Il leur a enjoint aussi de ne pas cacher cette plaque, par les marchandises qui sont sur les charrettes, et de conduire leurs mulets par le cordon. Il résultait de grand inconvénients pour les voyageurs, et souvent pour les Charretiers eux-mêmes, de ce qu’ils se permettaient, ou de s’éloigner de leurs voitures, ou de s’y tenir dessus, et même de s’y endormir. Ils ne peuvent, du haut de leurs voitures, diriger la marche de leurs mulets. Dans beaucoup de Provinces on y avait pourvu ; il était temps qu’on eut dans celle-ci la même attention.
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